arraché à la réalité
Dans l'obscurité nocturne, tout est silence. Et perdu, livré à toi-même, pelotonné dans ta couverture, tu penses.
Le moment où tout a commencé à changer était une nuit comme celles-là.
Lorsque tu partis enfin pour le pays des songes, ce n'était pas de manière figurée... Tu t'y rendis bel et bien. Ce fut bref, flou, mais cela suffit à te faire réaliser que ce rêve était différent des autres. Une simple image qui parvenait à illuminer ton cœur. Il fallut attendre un long moment avant que cela ne se reproduise. Mais le rêve revint, un peu plus long, un peu plus précis. Cela n'avait rien d'étonnant ou d'inquiétant. Des rêves qui se répètent, c'est monnaie courante. Et qui se plaindrait d'une chose aussi apaisante qu'un songe tel que celui-ci... ?
Encore et encore. De plus en plus régulièrement, de plus en plus longtemps, de plus en plus précisément. Toujours le même lieu, toujours identique.
C'était l'élément déclencheur de notre histoire. Le point qui ferait basculer ta vie banale vers une existence extraordinaire. Le tournant de ton destin.
Toi, être humain comme les autres, que deviendrais-tu ? Saurais-tu trouver la voie ou t'égarerais-tu dans l'irréel ?
Cela, à ce moment, n'était pas encore décidé.
Enfin, quelque chose changea. Cet endroit qui avait toujours été le même avait changé.
A peine arrivé, tu le remarquas et te penchas doucement pour ramasser cet élément si perturbant qui venait s'immiscer dans ton rêve. Une simple feuille cartonnée. Un ticket de train.
Et ce deuxième élément déclencheur, pas plus que le premier, ne t’alarma...
Ô pauvre enfant si terre à terre.
Ce ne serait que le lendemain que tu réaliserais peut-être enfin ce qui se passait depuis si longtemps déjà.
Une journée censée être comme une autre allait commencer, mais son cours serait bousculé et brisé pour modifier ce destin triste que tu te réservais.
Marchant à travers les rues, soudain, tu l'aperçus. Posée sur ses rails qui semblaient continuer jusqu'à l'horizon, la locomotive fumait doucement. Habitué aux rêves étranges, tu sautas probablement tout de suite à la conclusion que ceci aussi en était un malgré le fait que tu ne t'en étais pas rendu compte.
Et tu t'approchas.
C'était un très vieux train que toi seul, probablement, remarquait. Quoi qu'à y regarder mieux, il semblait ne plus y avoir personne à présent. Et le silence qui s'installa donnait l'impression que tout vie avait disparu de cette terre, si ce n'était toi, debout à côté de ce véhicule archaïque. En lettres d'or sur les flancs de la locomotive, un seul mot, qui ne semblait pas avoir de sens.
«Onirisia»
Et à ce moment, soudain, tu réalisas que ta main n'était pas vide. Depuis quand tenais-tu ce morceau de papier sans même t'en rendre compte ?
C'était un ticket de train. Le ticket de train.
Destination : Onirisia.
Départ: xx/xx/20xx xx:xx
Retour : inconnu
«Alors, c'est bien un rêve...»
Tu t'en étais déjà convaincu depuis un moment, au vu de la situation étrange. Mais peut-être ressentais-tu néanmoins le besoin de déclarer cela à voix haute, comme si la chose serait ainsi rendue plus vraie.
Et à présent, face à ce train qui était là pour toi, sans aucun doute, tu ne pouvais plus résister.
Tu montas à bord.
Personne d'autre ne semblait se trouver là et tu te rendis à la place qui t'étais indiquée, observant l'aspect chic et bien conservé du wagon. A côté de la fenêtre, assis confortablement, tu attendis. Et le train se mit en route, accélérant d'abord doucement puis roulant de plus en plus vite.
Tu te sentais instable sur ta banquette, la fumée de la locomotive recouvrait les vitres et le roulement du train semblait résonner dans tes oreilles. Puis, tout à coup, le ciel bleu apparut à nouveau aux fenêtres. Et dans un bruit retentissant accompagné d'éclaboussures, le train vint glisser sur ce qui semblait être un océan.
Apparemment, tu étais arrivé...