Elle court, de plus en plus vite, elle a le monde à ses pieds Vitalie. On se retourne sur son passage, alors qu’elle crie à plein poumons « Plaaace, plaaaace ! L’apprentie de la magicienne est en mission spéciale ! Place, je passe ! » Elle bouscule les rares personnes trop dans la lune pour faire attention à elle, petite fille d’un mètre vingt-et-un pesant à peine vingt kilos. Un coup de vent aurait pu l’emporter, et elle n’aurait pas été mécontente. Où l’aurait-il emmenée ? Qu’aurait-elle découvert là-bas ? C’est vrai qu’elle est toute petite, Vitalie, mais sa soif d’aventure n’est pas proportionnelle à sa taille, vous pouvez le croire. Ses petites mains sont crispées sur une feuille enroulée, sûrement une liste d’ingrédients pour la magicienne. Arrivée à un tournant, elle dérape sur quelques mètres, sa jupe à volants se soulevant légèrement. Mais de quoi se soucie-t-on à sept ans ? Elle arrive devant un mur de briques et elle range la feuille de papier dans la poche ventrale de sa veste couleur menthe à l’eau, sa couleur favorite, avant de se mettre à escalader avec agilité. Lorsqu’elle arrive en haut, une rafale de vent lui fait fermer les yeux, un voile de cils noirs couvrant ses iris pers. Ses yeux sont marrons au centre et verts à l’extérieur, et elle en est plutôt fière. Elle s’arrête un instant, en haut du mur, et regarde aux alentours. Elle aimerait être partout à la fois. Machinalement, elle triture une mèche de ses cheveux noirs qu’elle attache toujours en queue de cheval parce que c’est plus pratique pour bouger. Elle en sort un bonbon en forme de crocodile dont elle s’empresse de couper la tête à l’aide de ses canines toujours aussi blanches malgré les tonnes de sucre qu’elle s’enfile chaque jour. La vie de la petite Vitalie est pleine de sucre et de couleurs criardes, alors laissez-vous entrainer.

Vitalie, elle bouge tout le temps. Lire l’ennuie, attendre aussi, l’heure d’aller au lit est un vrai cauchemar pour ses proches… Elle ne tient pas en place, il faut vraiment qu’elle tombe d’épuisement pour qu’elle cesse de bouger ne serait-ce qu’une seule seconde. C’est pourquoi elle préfère s’occuper d’aller chercher les ingrédients plutôt que d’aider à préparer les potions. Elle râle toujours lorsqu’elle est obligée de rester à la maison, mais au fond elle aime bien regarder la magicienne et son assistante faire et rêve de mélanger des ingrédients étranges elle aussi. Mais si elle s’en occupait, fort est à penser qu’elle ferait tout exploser… Ou alors la potion deviendrait bien assez vite un bonbon géant ou un gâteau.

Elle déteste qu’on la traite comme une enfant, bien que ce soit le cas. Cependant ça ne veut pas dire qu’elle est bête, loin de là. Nombreuses sont les personnes ayant tenté de la duper ou de lui faire croire quelque chose, mais elle n’est pas assez naïve pour se faire avoir. Mais cette trop grande confiance en elle lui joue souvent des tours…

Vitalie peut être une vraie petite peste parfois. Quand elle rencontre une nouvelle personne, elle ne peut s’empêcher de la faire tourner en bourrique, l’imitant grossièrement et se montrant insolente. Et si jamais on s’avise de vouloir lui faire payer son attitude, elle s’empresse d’utiliser sa grande connaissance des lieux d’Onirisia pour vous faire tomber dans des pièges, se moquant ensuite ouvertement de vous.

Vitalie, elle ne se souvient pas. Pour elle, elle a toujours été ainsi, apprentie de la magicienne. Il n’y a pas d’avant. Et pourtant…

Pourtant, elle a eu une vie avant. Et elle a eu un rêve. Elle est née dans une famille sans histoires, dans une maison ni trop petite ni trop grande. Elle était aimée et a eu une enfance heureuse. Elle allait à l’école avec son sac à dos rose à paillettes, elle mangeait des sucreries plus grosses qu’elle, elle était assez populaire dans la cour de récré, les filles se disputant pour décider qui était sa meilleure amie. Avec elle, on ne s’ennuyait pas, même si elle se faisait souvent disputer pour ses bêtises. Par exemple, entraîner les autres enfants en dehors du dortoir à l’heure de la sieste. Ou encore jeter ses brocolis sous la table. Et aussi faire du patin à roulettes dans une rue en pente, au risque de se faire écraser par une voiture.

Mais un jour, elle a quitté sa maison Vitalie. Pas toute seule non, sa maman était là avec elle. Son papa était au travail et elle a vu maman faire ses valises. Elle lui a demandé s’ils partaient en vacances et elle lui a souri tristement, la prenant dans ses bras. Elle lui a chuchoté : « Non ma chérie, on part toutes les deux, entre filles. » Alors elle l’a suivie, Vitalie. Que pouvait-elle faire d’autre ? C’était qu’une petite fille, elle n’avait pas son mot à dire. Elles sont parties de la maison, loin, très loin. Elle n’a pas tout compris, mais elles ne sont pas rentrées. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que son papa et sa maman s’était disputés, très très fort.

Elle voulait voir son papa, Vitalie. Mais quand elle avait demandé à maman où il était, ses yeux étaient devenus tout tristes, alors elle n’a plus demandé. Le soir, devant sa fenêtre, elle priait l’étoile du soir, comme dans les Disney. Elle lui disait qu’elle serait sage maintenant, mais qu’elle voulait revoir son papa, s’il vous plaît. Elle faisait des rêves étranges la nuit, ou plutôt un rêve. Qui revenait toutes les nuits, dès qu’elle fermait les yeux.

Et une nuit, elle ne s’est pas réveillée. Elle avait l’impression pourtant. Dans son rêve, elle disait au revoir à sa maman dans la cuisine et elle allait jouer dans la rue, avec ses amis du quartier. Mais il y avait quelque chose d’étrange dans l’air, quelque chose qui lui serrait le cœur très fort. Dehors, il n’y avait plus personne. Juste une énorme locomotive fumante, aux couleurs vives qui lui faisait briller les yeux. Elle n’hésita pas une seconde avant de monter. Elle en était sûre maintenant, elle allait retrouver son papa.

Les choses ne tournèrent pas comme elle l’avait voulu cependant. Elle a longtemps déambulé dans ce nouveau monde, Onirisia, mais son papa n’était nulle part. Et petit à petit, son rêve s’est enfui, il s’est envolé très loin.

Elle est heureuse maintenant. Il n’y a plus de papa et maman, plus de vacances, plus de choses qu’on ne dit pas. Elle chante des chansons Disney en cherchant des herbes étranges et en mangeant des bonbons, et c’est très bien comme ça.